"On ne peut pas être éternel" | FFBB

Vous êtes ici

Que sont-ils devenus ?

"On ne peut pas être éternel"

22/07/2022
Aujourd’hui résident au Portugal, Créateur dans le domaine artistique avec les professionnels, Jacques Cachemire, dit « Cachou », joueur de basket emblématique des années 70 garde toujours un lien fort avec l’Equipe de France et a un regard critique mais plein de bienveillance sur l’évolution des jeunes générations.

Vous avez remis en février dernier, à Porto avant le match Portugal-France, les maillots aux joueurs de l’Equipe de France. Est-ce selon vous important de conserver un lien entre les générations ?
Le devoir de transmission entre les générations est nécessaire c’est une manière de passer le témoin et de faire comprendre aux autres que nous étions attachés à des valeurs. Et ces valeurs c’est de porter le plus loin possible l’équipe nationale. Je suis Guadeloupéen, ces deux Blasons qui brillaient sur ma tunique, imposaient le toujours mieux. Les progrès réalisés depuis une dizaine d’années montrent que nous sommes sur la bonne voie, J’en ai toujours rêvé. Je l’ai souvent répété, même si certains me traitaient d’orgueilleux et de prétentieux à l’époque quand des irresponsables pensaient que l’Equipe de France devait rester en 5e division, et qu’elle n’avait pas sa place parmi l’élite. On trouvait trop irréaliste de vouloir travailler pour réussir et créer cette émulation qui pourtant, aujourd’hui, porte ses fruits. Les générations d’Australie en 2000, puis celle du Japon en 2021, marquent le territoire international des empreintes du coq. Nous avons la possibilité et aussi le désir d’aller conquérir dans la continuité de cet exercice et par plus de travail, le Graal… Un titre Mondial !

 Quels sont selon vous les valeurs les plus importantes ?
Je les placerai sur trois plans : travail, travail, travail. Le premier c’est la passion, je sais que le basket m’a apporté beaucoup alors je lui ai donné et rendu ce que je pouvais. En tant que joueur, entraineur, conseiller, puis DTN à l’île Maurice. Le second c’est le plaisir, le sport reste quand même un lien attractif où on retrouve certaines valeurs et de la convivialité, voir mon attachement à l’amicale des internationaux. Et le troisième, quand on fait partie d’un groupe, on n’a pas le droit de le quitter sans avoir expliqué à ceux qui arrivent que l’équilibre se fait par la racine pour atteindre les sommets. Nos prédécesseurs méritent notre considération pour la préparation du terrain avec les modestes moyens de l’époque.

Vous vivez au Portugal, malgré la distance quel rapport gardez-vous aujourd’hui avec l’Equipe de France ?
Aujourd’hui j’ai un attachement encore plus particulier avec l’équipe de France, par le fait très symbolique que Vincent Collet soit l’entraineur car il a été « mon bébé basket » quand je suis arrivé en métropole. Le travail actuel prouve que nous approchons du sommet. Mais il ne faut jamais oublier que si c’est difficile d’y arriver, on redescend plus vite que l’on monte. Le travail doit être continu. Dans les années 1980, l’idée d’installer une messagerie avec la Fédération enclenchait le premier pas de cette accélération vers la professionnalisation.

Quel héritage pensez-vous avoir laissé aux jeunes générations ?
Héritage je n’aime pas trop ce terme car il peut sous-entendre division. On laisse un héritage, on laisse quelque chose, à mon avis, dans mon cas, c’est l’état d’esprit de ne plus accepter de mettre genou à terre. Nous sommes dans un monde qui mute, nous allons vers une nouvelle forme de vie, une nouvelle génération et des nouvelles attitudes. Le fait de ressentir quelque chose aujourd’hui pour l’Equipe de France c’est parce-que je revis mon expérience…. J’avais envie, je savais d’où je venais. J’étais un enfant qui n’avait aucune chance de réussir. Mes parents vivaient dans des quartiers défavorisés, où la seule chose que nous avions restait un terrain municipal en gravier où nous jouions sans chaussure. L’ambition se cristallisait par le plaisir de découvrir le monde qui se créait autour de moi. A mon arrivé en France pour mon service militaire, j’ai atterri par la suite dans la famille de Vincent Collet qui m’accueillie à bras ouverts. Aujourd’hui, je ne dirais pas aux jeunes faites ce que j’ai fait, parce maintenant tout est différent. Je dirai juste : croyez en vous, espérez et appréciez. Sachant qu’ils trouveront une armada de techniciens et des professionnels délégués à cette réussite.

 Vous êtes donc un pionnier, un exemple à suivre, pour de nombreux jeunes notamment issus des territoires ultra-marins ?
J’ai été l’éclaireur (titre attribué par l’adjoint au maire de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe) pour faire comprendre aux Ilotiers que l’on pouvait traverser l’atlantique et se retrouver parmi les meilleurs. Je suis content que des jeunes aient ensuite réussi à perpétuer la tradition du talent d’outre-mer. Je ne pense pas qu’ils aient réussi parce que moi j’ai réussi mais plutôt parce qu’ils se sont dit : « c’est possible ».  Ils sont conscients qu’avant eux des gens ont pris des coups, ont soufferts mais tout cela c’était pour avancer et pour construire. Tout n’est pas facile et petit à petit ceux qui arriveront découvriront l’argent, le plaisir, le bonheur mais aussi d’autres difficultés. Tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Il faut savoir, qu’un jour ou l’autre, quand on a besoin de vous on vous trouve et le jour où on n'a plus besoin de vous on vous montre la porte. Ça faisait partie d’une période du sport. Aujourd’hui, les avocats et les agents veillent au grain. On ne peut pas être éternel, on passe. C’est comme la vie, nous faisons notre chemin. Derrière il y avait des ronces, laissons aux futures générations des sentiers fleuris qu’ils transformeront selon leur aptitude. Quand je vois les jeunes de l’Équipe de France ça me fait plaisir et, j’espère que ça leur fait autant plaisir de voir un ancien passer quelques instants en leur compagnie. Mais regardons devant où se trouve l’espoir, c’est la bonne direction.

Jacques Cachemire en bref

Née le 27 février 1947 à Pointe-à-Pitre
Intérieur
250 sélections et 2 843 points en Équipe de France entre 1969 et 1983
6 Championnats d’Europe

Carrière joueur
1968-1969 : SA Lyon
1969-1979 : Antibes
1979-1984 : Tours

Carrière entraîneur
1983-1984 : Tours
1993-1994 : Toulouse (Pro B)

Palmarès joueur
Champion de France : 1970, 1980

Distinctions individuelles
3 fois All Star européen
1 fois meilleur marqueur du championnat de France
4 fois meilleur marqueur français du championnat de France

Gloire du sport 2016
Académie du Basket 2007