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Julien Guérineau - 24/12/2021
Atteindre les Equipes de France sans avoir jamais été retenue en jeunes est une rareté dans le basket féminin français. Encore en NF1 il y a sept ans, Caroline Hériaud (1,65 m), qui a fêté ses 25 ans mercredi, a déjoué tous les pronostics et effectué ses grands débuts chez les Bleues lors des qualifications pour l’EuroBasket Women 2023.

A quoi a-t-elle pensé en posant les pieds sur le parquet du Pôle France avec les équipements de l’Equipe de France A féminine sur le dos ? Au refus de Nantes Rezé de l’accueillir en centre de formation lorsqu’elle avait 14 ans ? A Fodil Benabidi, qui a vu en elle un potentiel et l’a fait venir en U15 à La Garnache ? A sa montée en NF1 avec le club vendéen ? A sa signature à La Roche Vendée en LF2 en 2015 ? A sa qualification en Coupe d’Europe quatre ans plus tard ? L’image ne manquait pas d’ironie. Les jeunes joueuses du PFBB assistant à l’entraînement de leurs modèles. Les meilleures prospects du pays rêvant d’imiter leurs aînés. Un statut que n’a jamais eu Caroline Hériaud. "C’était un autre monde", sourit-elle. "J’adore dire aux jeunes qu’il n’y a pas de chemins tout tracés. La semaine dernière j’ai vu un petit tellement déçu de ne pas avoir été pris en sélection départementale. Je lui ai dit : mais ça sert à quoi, ça ne t’empêchera pas de faire ce que tu veux faire dans le basket. Mon moteur ça a toujours été le plaisir."

Une approche qui a parfaitement fonctionné pour ce modèle de poche qui n’a eu de cesse de repousser les limites. NF2, NF1, LF2, LFB, Equipe de France 3x3 et finalement Equipe de France A, la Nantaise a gravi tous les échelons pour finalement toucher au Graal, appelée par Jean-Aimé Toupane pour disputer les deux rencontres de qualification à l’EuroBasket Women 2023 mi-novembre. "Honnêtement c’est une fierté", admet celle qui n’a jamais porté le maillot d’une Equipe de France jeunes. "Quand j’étais jeune j’étais sous les radars, ne jouant pas dans un centre de formation. Quand les sélections sortaient je les regardais et je ne voyais pas mon nom. Mais ça ne m’a jamais empêché d’y croire. J’ai beaucoup bossé et c’est une récompense. Mais ce n’est que le début." A Kiev puis Villeneuve d’Ascq, elle n’a pas fait de la figuration, loin de là. 17 puis 20 minutes jouées, 10 passes décisives distribuées, le meilleur total des Bleues. Un impact nécessaire du fait des absences des titulaires sur le poste et dans la lignée de sa production depuis le début de la saison 2021/22.

A 24 ans, Heriaud a fait cet été le choix de quitter son cocon de La Roche Vendée, son seul club comme professionnelle, pour Villeneuve d’Ascq. Un choix lourd sentimentalement mais nécessaire pour continuer à grandir. "C’était très fort en émotion. Ce que j’ai créé à La Roche, cela va au-delà du basket. C’est ma famille. Et c’est la définition même de sortir de sa zone de confort. Je sais pourquoi je suis partie. C’était la bonne décision." Le doute l’a pourtant habitée, l’inquiétude au moment de découvrir un nouveau décor, un nouveau fonctionnement. Mais après dix journées de championnat, Caroline Hériaud produisait les meilleurs chiffres de sa carrière et figurait à la deuxième place du classement des meilleures passeuses de LFB (9,6 pts, 5,4 pds, 2,0 ints).

Jean-Aimé Toupane n’a donc pas hésité à faire appel aux services de celle qui avait découvert les compétitions internationales au 3x3 et qui avait fait office de sparring-partner lors des Jeux Olympiques pour la préparation de la nouvelle discipline, à Oshino. Quatre mois plus tard, elle a changé de standing, débarquant dans le grand monde sur la pointe des pieds : "Quand on arrive on est un peu intimidée, on ne va pas se le cacher. Même si on joue notre carte à fond, on joue avec des joueuses qu’on regardait à la télé encore cet été. Depuis août les choses avancent à vitesse grand V et ce n’est pas pour me déplaire. Il faut juste profiter de l’opportunité, c’est incroyable. Je repousse les limites c’est vrai. Mais c’est dans mon tempérament. Ça me fait rire de penser qu’il a 7-8 ans je jouais en NF1. Mais j’ai toujours voulu prendre ce qu’on me donnait, saisir les opportunités sans jamais me prendre la tête."

Avec les années et une incroyable capacité à sans cesse élever son niveau de jeu, Caroline Hériaud a peu à peu fait évoluer ses rêves et ses ambitions. En novembre, elle a connu ce que le basket féminin français propose de mieux. Et dans un rôle aux très lourdes responsabilités. "Je dis toujours que j’adore mon poste de jeu pour ce qu’il est : les responsabilités, le leadership", sourit la principale intéressée. "C’est difficile parce que tu ne peux pas te cacher. Mais c’est ce que j’aime !" Sans Olivia Epoupa, Marine Fauthoux et Alix Duchet, l’Equipe de France a dû confier les rênes de son attaque à un duo inédit, avide d’apprendre et de performer dans ce nouvel univers. "Ce n’est pas un choc. Mais en gros tu te confrontes au plus haut niveau. Bien sûr tu les joues en championnat… mais séparément", remarque Caroline Hériaud. "Là elles sont toutes sur le terrain. J’en ai parlé à Céline Dumerc : qu’est-ce qu’il faut faire pour pouvoir progresser ?" A 24 ans, elle continue d’apprendre, restant fidèle à une ligne de conduite qui l’a amenée bien plus loin que les observateurs avaient imaginé. Et sans aucune intention de ralentir. "Viser plus haut pour prendre plus de plaisir et continuer à m’épanouir, c’est mon idée. Et on verra jusqu’où je peux aller."