Pour réaliser cette interview nous vous avons laissé un message auquel vous avez répondu un mardi à 5h du matin en indiquant que vous veniez d’atterrir à Paris en provenance de Chine et qu’il fallait vous joindre avant le jeudi où vous repartiez pour Abu Dhabi. Est-ce un bon résumé de votre vie depuis quelques mois ?
(il sourit) Depuis quelques années maintenant ! C’est la vie de basketteur 3x3. Et nous sommes dans la dernière ligne droite du World Tour après une longue tournée en Asie. C’est la vie qu’on a choisie et on est contents de participer à un maximum de Masters. Donc on le fait avec plaisir.
Comment construisez-vous votre calendrier. En fonction de votre santé, vos finances, vos chances de victoires ?
C’est un mélange de tout ça. Il faut faire des choix. La construction se fait avant tout par rapport aux possibles résultats. Que faut-il faire pour être le plus performant possible ? Les allers-retours, les différents fuseaux horaires, tout ça est assez dur. On a par exemple décidé de rester en Chine pour faire cinq tournois en quatre semaines entre fin septembre et fin octobre. Tout le monde était favorable à cette option. La question est aussi : que met-on entre les tournois ? Il faut trouver des gymnases, des équipes avec qui s’entraîner. Et enfin le volet financier rentre en compte même si rentrer pour repartir coûte autant que de rester sur place, donc c’est un choix au final.
Envisagez-vous d’ouvrir une agence de voyage spécialisée sur la Chine pour votre reconversion ?
J’ai de la chance, dans le binôme qui gère l’équipe, c’est surtout Hugo Suhard qui s’occupe de ça ! Donc l’agence de voyage sera pour Hugo. On a fait un bon tour en Chine et surtout on a vu la Grande Muraille, chose que l’on n’avait jamais faite. En octobre on s’est réconciliés avec la Chine en allant à la rencontre des gens, plus en immersion. A Cangzhou on s’est entraînés avec l’équipe qui dispute la ligue chinoise 3x3, pas du tout le World Tour. On ne les connaissait pas du tout. Mais globalement c’est le plus souvent avec des équipes du World Tour qui sont dans les mêmes conditions que nous.
Avec du recul, comment jugez-vous votre travail de structuration autour de Toulouse ?
On se rode encore. Mais mois après mois on s’améliore. Je trouve qu’on a sans cesse avancé dans ce qu’on voulait faire. Mais nous sommes loin d’être arrivés là où on veut être. C’est un défi et c’est très challengeant de monter une structure, de voler de nos propres ailes. Tout en restant des joueurs, des compétiteurs. Doucement mais sûrement on avance bien. Je suis content de tout notre travail parce que rien n’était donné au départ et le bilan de la première saison est quand même positif.
Etiez-vous inquiet de la place que pourrait prendre l’extra sportif dans cette aventure ?
On s’était toujours dit qu’il fallait, malgré tout, se préserver comme sportifs. Les gros doutes qu’on avait ne venait pas du terrain puisqu’on sortait d’une saison avec Paris où on termine deuxième mondial. Donc on était prêts à relever ce défi de rester dans le top 5 mondial. Mais il y a tellement de données extra-basket qu’on ne contrôle pas en tant que joueurs. On se demandait si on arriverait à joindre les deux bouts, tout simplement ! En pianotant entre les deux dimensions on a réussi à lancer le projet. C’était une période où il fallait faire le dos rond et lancer une dynamique économique et sportive.
Pour créer les conditions propices à la performance, êtes-vous parvenu à maintenir le standing que vous connaissiez avec Paris ?
Il a fallu s’adapter c’est vrai. Mais créer les conditions de la performance c’est exactement ça. Avant de faire cette interview je sortais de trente minutes au téléphone pour améliorer le projet et nos infrastructures. C’est le plus gros chantier : retrouver les mêmes conditions que l’on avait avec l’équipe fédérale. Aujourd’hui on est une bonne équipe du Tour et on a tout pour devenir une des meilleures équipes du Tour. La marge est là, dans l’organisation qui aidera à être plus performant. C’est notre focus pour la saison prochaine. Je crois au dur labeur, et ça, on l’a.
Vous comparez-vous beaucoup avec les équipes que vous croisez sur le World Tour ?
On regarde ! Ce qui est fou c’est que chaque équipe a son propre mode de fonctionnement sur le World Tour. Ce n’est pas du tout standardisé. Donc c’est très intéressant de regarder ce que font les autres et de s’en inspirer. Ce qui est dingue c’est que je trouve qu’on est en avance sur certaines équipes alors que je nous considère en retard globalement. Ce qui est certain c’est qu’on a de bonnes perspectives sur la structuration.
A quoi ressemble un retour de compétition classique pour vous ?
Un des deals que l’on avait pour pouvoir s’entraîner assidument, c’est que tout le monde emménage à Toulouse. Quand on est rentés de Chine, tout le monde a donc retrouvé sa petite famille toulousaine. Donc c’était "salut les gars, bonne sieste et rendez-vous demain matin à 9h30 à la salle." On s’entraîne à la Maison du Basket. La salle de la Ligue Occitanie. Parfois la Hoops Factory de Toulouse nous met la salle à disposition. Et nous avons un partenariat avec une chaîne de salle de musculation pour nos séances.
Est-ce tout un fonctionnement à inventer ?
Exactement. L’inventer, l’adapter à chaque endroit où on est, chaque problématique. Certaines équipes sont financées par des pays et doivent incorporer des joueurs de ces pays. Nous avons la chance d’avoir tout le monde à Toulouse. Je trouve qu’on manque encore de coaching au quotidien pour progresser. L’étape suivante c’est d’avoir notre endroit à nous pour pratiquer le 3x3. On y travaille.
Continuez-vous de suivre les avancées du 3x3 au niveau fédéral ?
C’est hyper important de rester dans une dynamique fédérale. Cela représente beaucoup pour nous. Déjà notre passé qui est lié à la Fédération avec Team Paris. On a la chance d’avoir une Fédé qui a envie de continuer à nous porter et de nous aider à nous lancer. Il y a tellement de choses à faire autour du 3x3. La FFBB en a conscience et il faut continuer à marcher ensemble dans la même direction.
Gardez-vous une place pour l’Équipe de France dans cette aventure toulousaine ?
Bien sûr. L’Équipe de France c’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai commencé le 3x3. A la base je rêvais de porter le maillot. Et c’est toujours le cas. Je me bats pour ma place. Quand on prend notre planning on fusionne les deux. On ne va pas s’inscrire à un Challenger pendant la Coupe du Monde ou la Coupe d’Europe parce qu’on aspire et on espère faire partie de l’Équipe de France.
En mai dernier vous avez occupé la place de numéro un mondial en 3x3. Même si ce classement évolue très vite, quelle place avez-vous accordé à cette réussite ?
Être numéro un mondial, c’était un objectif que je m’étais fixé. Donc je suivais sans pour autant me mettre la pression. Mais je voulais cocher ça. Les rankings on les suit pour rester une équipe du top 5 mondial. Donc c’est plutôt le ranking collectif qu’on regarde. En étant 100% sincère on y prête quand même attention parce qu’on sait que cela influe le ranking collectif. Ce n’est pas pour se faire mousser. Quand j’avais 23 ans, ça me faisait kiffer me voir monter au classement mondial. A 28 ans je regarde le classement de Toulouse.
Et on peut imaginer que ce statut a une valeur aux yeux de partenaires potentiels ?
Tout à fait. On rentre de Chine. Et on est 20 fois plus connu là-bas qu’en France. Quand on dit aux gens : Franck a été numéro un mondial il y a un mois, ils ne comprennent pas. "Numéro un mondial ? Comme Djokovic ? C’est dingue !" On reste assez humble sur ça et après être passé à un pied sur la ligne de gagner le World Tour l’année dernière, on est revanchard et on veut retourner en finale !