Basket 3x3

Un an après l’exploit olympique : le 3x3 français entre héritage, ambitions et construction

Par Tom Thuillier|Il y a 4 jours
Edf 3x3 M Jo 2024 Finale Fra Ned Franck Seguela
Il y a un an jour pour jour, les Bleus du basket 3x3 gravissaient la deuxième marche du podium olympique sous les projecteurs de la place de la Concorde, offrant à la France une médaille d’argent historique. Cette médaille, c’est celle d’un collectif, d’une discipline encore jeune, et d’un rêve devenu réalité. Douze mois plus tard, que reste-t-il de cette euphorie ? Quelles leçons, quelles perspectives, quels défis pour le 3x3 français ? Retour avec les principaux acteurs de cette épopée sur une année de transition entre consécration et consolidation.

Une médaille en or pour la visibilité

« La semaine qui a suivi les Jeux, on planait complètement », confie Lucas Dussoulier, aujourd’hui de retour en Betclic Elite avec Nanterre 92. Sollicité, reconnu dans la rue, célébré dans toutes les salles de basket de France, le vice-champion olympique a goûté à une notoriété nouvelle. Même son de cloche du côté de Franck Seguela, pilier de l’équipe professionnelle 3x3 de Toulouse : « Tout le monde avait vu la finale, même ceux qui ne connaissaient rien au 3x3 ». Au-delà de la performance, cette médaille a surtout offert un coup de projecteur sans précédent à une discipline encore méconnue du grand public. Pour Karim Souchu, sélectionneur national, « c’était l’aboutissement de trois ans de travail et une vraie reconnaissance de notre sport. Les Jeux ont changé la donne. »

L’après-Jeux : construire sur du sable ou sur du solide ?

Mais si les projecteurs des Jeux ont été puissants, leur lumière n’est pas éternelle. Tous le disent : l’effet JO s’estompe. « Au bout de deux mois, on n’en parlait quasiment plus », admet Lucas Dussoulier. Pour Franck Seguela, l’ambivalence est flagrante : « On pensait qu’en étant médaillés, ce serait plus simple de faire vivre un projet comme Toulouse. Mais non, c’est resté compliqué. » Même avec un statut de vice-champion olympique et un rang de numéro 1 mondial un temps occupé, Franck a dû redoubler d’efforts pour trouver des sponsors, convaincre des partenaires, et poser les fondations d’une formation 3x3 professionnel viable. « Heureusement, on a trouvé quelques soutiens fiables. Mais ce n’est pas encore acquis. »

Malgré les difficultés, le 3x3 français avance. Pour Karim Souchu, la transition est en cours : « On entre vraiment dans l’ère de la professionnalisation. Les équipes commencent à être autonomes, comme des clubs de 5x5. Toulouse a gagné un Masters cette année sur le World Tour, Bordeaux est en pleine progression et beaucoup de formations se structurent… C’est exactement ce qu’on voulait. » Le rôle de la FFBB évolue lui aussi, devenant davantage un accompagnateur stratégique qu’un porteur exclusif : aides ponctuelles, mise à disposition de staff, accompagnement sur les wildcards… « Le haut niveau, ça s’encadre », insiste Karim. « Il faut un équilibre entre autonomie des équipes et soutien fédéral ».

Transmettre, bâtir, mais encore convaincre

Malgré les avancées, la reconnaissance pleine et entière de la discipline tarde encore. « On est un peu dans la position des sports individuels, comme en athlétisme », analyse Seguela. « Tu as une médaille olympique, tu vis un moment incroyable… puis plus rien pendant 3 ans. » Même son statut de numéro 1 mondial n’a pas changé fondamentalement sa notoriété. Karim Souchu pointe aussi une autre forme d’invisibilisation : celle des coachs. « Il n’y a pas de haut niveau sans entraîneur. Mais aujourd’hui, les coachs ne sont pas mis en avant. La FIBA va devoir se poser la question de leur reconnaissance. »

Et pourtant, malgré les limites, l’énergie est intacte. Franck Seguela multiplie les projets : un camp d’été pour les jeunes avec sa compagne et internationale 3x3 Laetitia Guapo, des interventions régionales et un projet naissant d’académie 3x3 à Toulouse. « Ça fait du bien de revenir à la base, de transmettre. Et puis on veut vraiment former les générations futures au 3x3 pur ». Lui et ses coéquipiers savent qu’ils sont les pionniers d’un mouvement naissant. Et cette mission est aussi grande que leur médaille. Du côté de Lucas Dussoulier, lui aussi se sent investi. Même éloigné des terrains de 3x3, il garde un œil passionné sur les performances des équipes françaises « Je suis à fond, dès qu’il y a un tournoi je regarde les résultats » mais il pointe aussi une réalité « Le 3x3, les gens ont découvert ça pendant les JO, ils ont adoré… mais aujourd’hui, ils ne le suivent plus aussi régulièrement ».

Cap sur l’avenir : la Coupe d'Europe, le World Tour et... Los Angeles 2028

Sur le plan sportif, les objectifs sont clairs. Les Bleus veulent rebondir après une Coupe du Monde sans médaille, et viser le podium européen lors de la Coupe d'Europe qui se déroulera du 5 au 7 septembre à Copenhague à laquelle Franck Seguela espère bien participer : « C’est important pour nous de continuer à exister, de gagner ». Et bien sûr, 2028 est dans toutes les têtes. « Participer aux Jeux, c’est tellement unique. J’en rêve encore autant qu’en 2021 », glisse Seguela, qui aura alors 31 ans. Pour y parvenir, la France devra d’abord se qualifier via le Ranking FIBA ou un Tournoi de Qualification Olympique (TQO), dont les critères évolueront à partir de décembre 2025. 

Une chose est sûre : le 3x3 est désormais installé dans le paysage du basket français. Visible, exigeant, spectaculaire, il séduit un nouveau public, offre un format rapide et moderne, et attire même des joueurs du 5x5. Dussoulier ne cache pas son envie de s’y consacrer pleinement un jour : « C’est tentant, forcément. Peut-être qu’un jour je ferai le saut ». L’héritage de Tokyo et Paris ne doit pas se diluer. Il doit servir de socle à un projet à long terme. « On a semé les graines », conclut Souchu. « Maintenant, il faut entretenir le terrain. »