L'expression éculée veut qu'une page se tourne. Diriez-vous que c'est un livre qui se referme pour vous après 15 ans à la tête des Bleus ?
C’est tout à fait le sentiment. Et c’est ça qui est difficile d’un point de vue personnel, même s’il y plein de bonnes raisons pour justifier cette décision. Ces 15 ans ont été une partie entière de ma vie de coach et de ma vie tout court.
Restez-vous entraîneur dans votre esprit ?
Je reste entraîneur. Je pense d’ailleurs que j’entraînerai à nouveau un jour. Je ne me sens pas cuit, pas fini. Et c’est très important parce que dans ces missions beaucoup liées à la transmission, c’est le regard de l’entraîneur qu’on recherche. Une transmission qui sera individuelle parfois, dans l’accompagnement de certains coaches, et collective sur la formation des joueurs. Il est donc important de rester un entraîneur dans sa tête.
Accepter ce nouveau rôle auprès de la DTN est-elle une décision que vous ne pouviez pas prendre immédiatement après les Jeux ?
Exactement. Parce que je ne l’avais pas préparée. Des éléments pouvaient inciter à vouloir continuer. Nous sommes devant une reconstruction. Cette année nous sommes allés aux Jeux à la croisée des chemins avec la fin d’une génération et l’émergence d’une nouvelle. Pour les objectifs de Los Angeles qui se profile, il faudra construire sur une jeune génération qui est peut-être la plus prometteuse qu’on n’a jamais eue. On ne peut pas ne pas y penser quand on est passionné et engagé. Mais le temps m’a permis de considérer qu’il faut savoir s’arrêter. C’est une vraie opportunité à saisir que de pouvoir le faire sur une campagne réussie et une deuxième semaine exceptionnelle. C’est bien de boucler les choses de cette façon. Avec la satisfaction sur ces 15 années d’avoir participé à toutes les campagnes internationales possibles. Ce qui est aujourd’hui une évidence mais qui n’était pas le cas auparavant.
4 entraîneurs (Robert Busnel, André Buffière, Jean-Pierre de Vincenzi, Claude Bergeaud) ont remporté 7 médailles de 1926 à 2009 pour les Bleus dans leur histoire (en 1937, il s'agissait d'une direction "collégiale" à l'EuroBasket). 8 médailles depuis votre prise de fonction. Est-ce une chiffre qui vous a marqué ?
Je l’ai découvert récemment. Et c’est ça le plus important, c’est la régularité. Et c’est l’objectif qui se présente devant le basket français. Pérenniser tout en continuant à grandir, progresser. En sachant que c’est toujours plus difficile. Il y a d’autres très fortes équipes et on a tendance à l’oublier. On se voit seulement nous. Mais notre sport est très concurrentiel et se maintenir est difficile. Après les Jeux, les gens parlaient de 2028 en disant : on battra les Etats-Unis à Los Angeles. Mais déjà il faut s’y qualifier ! La marge est tellement infime. A Paris nous avons été meilleurs le jour J que le Canada et l’Allemagne. Mais ça serait prétentieux de dire que nous avons été meilleurs que ces équipes-là. Il faut garder cela en tête et mesurer le degré de difficulté. Ce qu’il faut c’est pouvoir se battre les yeux dans les yeux avec ces équipes et accepter de ne pas toujours gagner. C’est la réalité du sport de très haut niveau.
Avez-vous le sentiment que vos 15 années avec l'équipe nationale sont passées à une vitesse folle ?
Non ce n'est pas ce que je ressens . J’ai commencé à coacher en 1998. Donc c’est plus de la moitié de ma vie de coach. Et c’est la partie la plus intense. Celle où j’ai vécu les moments les plus forts. Des finales de championnat, de Coupe de France, de Leaders Cup sont importantes mais ce n’est pas comparable aux matches couperets des compétitions internationales. Deux finales olympiques, trois finales d’EuroBasket, c’est un privilège et un honneur d’avoir vécu ces émotions. C’est grandiose.