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BasketBall Magazine - Interview

Nolan Traoré, l'explosion

FFBB/IS/Bellenger
Julien Guérineau - 13/12/2023
Pour sa dernière année au Pôle France, le meneur/arrière du Pôle France (1,92 m, 17 ans) réalise un début de saison dominateur dans le championnat de Nationale Masculine 1.

Ce sont des chiffres que le Pôle France n’avait plus vus depuis une quinzaine d’années, lorsque le duo Antoine Diot-Edwin Jackson mettait le feu à la NM1. Après quinze journées de championnat, alors que le Pôle France a déjà signé plus de victoires (4) lors de la première phase que pendant la saison dernière, Nolan Traoré pointait à la 6e place au classement des marqueurs de la division, à la 7e aux passes décisives, à la 1ère aux interceptions. Un impact spectaculaire pour un jeune homme de 17 ans qui survole les débats depuis la rentrée et qui a logiquement été élu joueur du mois d’octobre du PFBB. "Il a passé un cap sur ce début de saison et on a le sentiment que la Nationale 1 devient simplement une étape et qu’il est déjà prêt pour la suite", sourit son entraîneur, Lamine Kébé. "Techniquement, tactiquement et physiquement. Et c’est ça qui fait la différence, il a énormément progressé sur ce dernier point lors des 6 derniers mois. Ça lui permet d’exploiter encore mieux ses qualités."

Au fil des mois à l’INSEP, Traore, le jeune frère d’Armel, champion d’Europe U20 2023, a ajouté 12 kilos de muscle à un physique à l’origine filiforme. Une puissance qui lui permet désormais non seulement de percer les défenses avec une facilité déconcertante mais de concrétiser les opportunités ainsi créées. "Sa capacité de franchissement il l’a toujours eue", poursuit Kébé. "Notamment avec un premier pas hors du commun. Mais il avait du mal derrière car il ne résistait pas aux impacts. Nolan a énormément travaillé. C’est une priorité qu’il s’était fixé. Il y a encore une marge de progression sur le bas du corps mais ça montre qu’il a évolué d’un point de vue autonomie, maturité, fixation des objectifs."

L’adolescent taciturne s’est peu à peu ouvert aux autres. Plus souriant, plus à l’aise. Une dimension indispensable pour un meneur de jeu. Un poste que l’ancien joueur de Charenton apprend à pleinement apprivoiser. Scoreur redoutable, athlète impressionnant, un petit côté Russell Westbrook se dégage chez Nolan Traoré. Le principal intéressé sourit à l’évocation de la comparaison, c’est un autre joueur américain qui a sa préférence. "Je ne la rejette pas. Mais mon idole c’est Mike James. Plus petit. Aussi costaud ! J’ai grandi avec Kyrie Irving mais depuis quelques années je regarde Mike James. La première fois qu’on m’a parlé de lui c’était au pôle espoirs. Maintenant je le regarde tout le temps. Je m’inspire de son basket. Au début tu constates qu’il est très fort. Ensuite tu commences à analyser pour comprendre pourquoi." Le joueur de l’AS Monaco, star de l’Euroleague, possède notamment une capacité unique à se créer son propre tir qui parle forcément à l’élève du PFBB. En Nationale 1, aucun défenseur ne parvient à tenir les duels face à lui et le développement de son tir extérieur, en step-back ou side step comme son modèle, est un incontournable pour continuer à scorer. "Ce sont des tirs qu’il va prendre tout au long de sa carrière et qu’il maîtrise déjà très bien", apprécie son entraîneur qui insiste sur les besoins de progrès sur ses finitions près du cercle. Pour égaler Mike James ? "Potentiellement il peut viser plus haut", sourit Lamine Kébé.

Sans surprise, Nolan Traoré est en effet le sujet de toutes les attentions des équipes professionnelles, désireuses de s’attacher ses services à la rentrée 2024. Les premières pierres ont été posées puisque l’international U18 a passé un mois en Australie avec l’équipe des Perth Wildcats en NBL à la suite de l’Euro de sa catégorie. La ligue australienne est devenue une destination prisée depuis la mise en place du programme Next Stars. Elle a su séduire Rayan Rupert, Ousmane Dieng puis Alexandre Sarr avec lequel l’arrière du Pôle France a partagé le training-camp. La stratégie est claire et assumée : attirer les prospects puis se rémunérer sur la manne financière que représentent les buyouts tout en profitant d’une exposition importante aux Etats-Unis. "On veut avoir des joueurs jeunes et talentueux à Perth, d’où qu’ils viennent dans le monde. C’est une formidable expérience pour lui de venir, de s’entraîner et d’avoir une meilleure compréhension de ce qu’est le programme." Les 37 points inscrits par Nolan Traore avec l’équipe jeune de la franchise de la côte ouest australienne n’ont pas calmé les ardeurs locales mais en France, la résistance s’organise. Les clubs de Betclic Elite ont commencé à se positionner et faire valoir des arguments qui peuvent faire mouche auprès d’un prospect pour qui toutes les options sont ouvertes. La réussite de Bilal Coulibaly ou la montée en puissance d’un Melvin Ajinça dans l’univers LNB peuvent peser dans la balance.

En attendant, Traoré a six mois devant lui pour valider sa progression et faire face à des équipes qui ont fait de lui l’ennemi public numéro un. "Je ne suis pas impatient", précise-t-il. "J’aime être ici. C’est le meilleur endroit pour évoluer. Et je vais profiter de cette année. Ensuite ça sera le moment de se dire au revoir. J’ai évolué un peu partout. Mais surtout dans ma façon de gérer le tempo. Ça se voit quand on me regarde jouer. Je commence à voir les équipes s’adapter défensivement sur moi. Avec mes coéquipiers on parvient à trouver des solutions et on va essayer de gagner des matches même si je suis ciblé." Une attention qui n’a pour l’instant pas ralenti un arrière aux armes multiples. "Il sélectionne mieux ses moments, les bons timings", analyse Lamine Kébé. "Il peut franchir ou créer pour lui mais il a une très grosse capacité de passes. Ça devient compliqué parce qu’il est imprévisible Depuis que je suis là je n’ai jamais vu ça statistiquement et dans la capacité à le répéter. Je me demande quelle est sa limite… C’est impressionnant. Et il le prend de façon très calme. Sans s’enflammer." Une décontraction qui ne l’empêche pas de gagner en leadership : "Au quotidien il est apprécié par tout le monde parce qu’il est très altruiste. Il reste un garçon discret mais communiquer est un élément essentiel pour un meneur de jeu. Et désormais il parle à des moments importants. Dans les vestiaires, sur le terrain et les temps-morts. Il prend beaucoup d’initiatives personnelles pour guider l’équipe. Il m’a demandé plusieurs fois de prendre la plaquette pour faire passer des messages." Bachelier avec un an d’avance, Nolan Traore a désormais une liberté supplémentaire pour se concentrer sur son basket. Une perspective pas franchement rassurante pour les équipes qui le croisent sur les parquets de Nationale 1.